Article issu de notre magazine (supplément Emploi et Formation décembre 2020)
Laurent Grandguillaume : Deux mouvements opèrent en 2020 : certains perdent leur emploi ou se trouvent en chômage partiel du fait de la crise ; et d’autres perdent leur emploi car la fonction qu’ils occupaient n’est plus nécessaire avec les évolutions technologiques. Dans les deux cas, le risque est grand d’entrer dans une phase de chômage de longue durée.
Il s’agit de métiers d’exécution mais aussi de catégories sociales nouvelles, tels que les cadres ou les entrepreneurs. Il est évident qu’il faut continuer de concentrer les efforts de formation pour les personnes les plus éloignées de l’emploi mais il va aussi falloir former des personnes diplômées vers un nouveau métier afin éviter des phénomènes de chômage de longue durée.
"L’entreprise n’est pas une organisation à part de la société. Elle a sa part à prendre dans la construction des solutions contre le chômage."
LG : Le chômage n’est pas le même partout. Suivant les territoires, on peut être face à des phénomènes de discrimination, de problématiques de mobilité, de besoin de formation... Traiter le chômage, c’est donc arriver à concilier les problématiques concrètes des chômeurs avec les besoins de compétences des employeurs d’un même territoire. Les réponses sont à inventer à l’échelle locale, ce qui n’empêche pas des fondamentaux nationaux.
Pour être encore plus efficace, il me parait donc essentiel de laisser plus de marge de manœuvre aux acteurs locaux, et d’associer les employeurs des territoires aux prises de décision concernant la formation et l’emploi. L’entreprise n’est pas une organisation à part de la société, elle a sa part à prendre dans la construction des solutions contre le chômage. Comme je pense qu’il est urgent de développer les supply chain de proximité pour relocaliser des emplois.
"TZCLD a été expérimenté sur 10 territoires. Aujourd’hui, 3 de ces territoires ne comptent plus aucun chômeur de longue durée."
LG : Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée repose sur une idée simple : la privation d’emploi a un cout direct et indirect pour l’Etat et les collectivités territoriales (aides, accompagnements, santé, absence de cotisation…). A travers TZCLD, le coût du chômage devient un investissement pour employer les chômeurs en CDI rémunérés au SMIC dans une nouvelle structure à but non lucratif, dont l’activité ne concurrence personne sur le territoire.
La gouvernance de l’entreprise est horizontale et composée des acteurs locaux et de chômeurs de longue durée avec une logique de travail en réseau (associations, suivi social …). Ce projet a été créé en 2016 et expérimenté sur 10 territoires. Aujourd’hui, trois des 10 territoires concernés ne comptent plus aucun chômeur de longue durée. Le nouveau texte encadrant TZCLD l'élargit à 50 nouveaux territoires, et inclut les départements dans le financement. Ces nouveaux territoires auront trois ans pour se lancer, à leur rythme.
"J’invite les professionnels RH à s’appuyer sur des parcours différents, parfois heurtés."
LG : Nous partons du principe que personne n’est inemployable. On adapte l’emploi à la personne, par rapport à ce qu’elle souhaite faire, à son parcours et à ses capacités. C’est bien sûr plus compliqué qu’un recrutement classique mais ça fonctionne ! Nous prenons le temps de les écouter, et le récit de leur parcours de vie est bien différent du récit cadenassé résumé sur un CV.
On découvre des appétences et des compétences qui ne sont pas forcément indiquées (aidant familial, bénévole…). J’invite les professionnels RH à s’appuyer sur des parcours différents, parfois heurtés. Une personne de 55 ans ayant connu des difficultés personnelles, a une expérience de vie qui peut être particulièrement utile dans un collectif de travail !
LG : Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée intéresse au-delà des frontières françaises ! Nous présentons régulièrement ce dispositif auprès de villes, régions, pays intéressés par son implémentation ; aux Etats-Unis, en Suisse ou en Belgique par exemple. A l’heure actuelle, Bruxelles va mettre en place son expérimentation, avec l’aval du gouvernement fédéral.