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« Le mentorat est l’incarnation d’une société solidaire qui ouvre le champ des possibles » - Karima Cherifi

Karima Cherifi (Nexans), membre de l’ANDRH Hauts de Seine La Défense a implémenté un dispositif de mentorat avec Nos Quartiers ont des Talents en 2020 pour venir en aide aux jeunes en recherche d’emploi en situation précaire. Retour d’expérience d’une DRH elle-même passée par ce dispositif quelques années auparavant…
Sommaire

Réseau et motivation au cœur du mentorat

C’est grâce à un événement organisé par ma ville, Villeneuve-la-Garenne (92), que j’ai assisté à une présentation de l’association Nos quartiers ont des talents (NQT). Cette dernière propose un système de parrainage par mentorat aux jeunes diplômés défavorisés. Je venais de terminer mon M2 en gestion des ressources humaines et cherchais un poste de généraliste en RH. C’était en 2008, en pleine crise économique et financière.

A ce jour, une cinquantaine de cadres mentorent, dont le Directeur Général du Groupe et les membres du comex.

Je me suis inscrite à NQT et ai été très vite mise en relation avec ma mentor, Nicole Fiorentino, Responsable recrutement et carrière dans une filiale du Crédit agricole. Nous avons commencé par travailler sur mon CV, ma lettre de motivation, ma posture en entretien, ma manière de me présenter ou de 'pitcher' lors d’un processus de recrutement…

En plus de l’accompagnement professionnel, il y a eu un accompagnement psychologique : comment regagner confiance en moi ? comment faire cesser mes doutes ? Une grosse piqure de motivation qui a eu un impact incroyable et m’a permis de trouver en moins de 3 mois un emploi de généraliste RH dans un groupe international américain de sécurisation de paiement.

Un programme lancé au sein de Nexans

En 2020, de retour d’expatriation, j’ai pris la direction des ressources humaines de Nexans en France en plein Covid. Face à la détresse des jeunes en situations précaires, nous avons lancé un programme de mentorat à destination de jeunes en recherche d’emploi issus des quartiers populaires, via un partenariat avec NQT.

Cela a été un succès ! A ce jour, une cinquantaine de cadres mentorent, dont le Directeur Général du Groupe et les membres du comex. Depuis la signature de ce partenariat avec NQT en 2020, plus d’une soixantaine de jeunes ont trouvé un emploi, soit 81% des jeunes suivis par nos mentors.

S’engager en faveur du mentorat en tant que DRH

Ce qui est attendu par les mentors se distingue en 4 volets :

  • Le soutien moral 

Les jeunes accompagnés sont souvent en quête d’insertion professionnelle depuis un temps long, une année voire davantage. Pour utiliser une formule toute faite, je dirais qu’ils n’y croient plus. À ce sujet, NQT nous demande, quand cela est possible, de recevoir notre mentoré au sein de notre entreprise pour le premier entretien au moins. Être accueilli dans l’entreprise a un effet important sur le moral. Mais cet accueil a une deuxième vertu : leur donner un aperçu de ce à quoi ressemblent les codes de l’entreprise.

  • Les « techniques de ressources humaines » et la connaissance du monde de l’entreprise 

L’enquête « Observatoire du 1er emploi » d’Ipsos en janvier 2020, rappelle que « 41% [des 18-30 ans] n’ont pas d’idée du métier qu’ils souhaitent exercer et 50%, pas d'idée concernant le type d’entreprise dans lequel ils souhaitent travailler ».

Les deux tiers d'entre eux jugent que leur formation les a mal préparés à la recherche de leur premier emploi et à la réalité de la vie active. C’est d’autant plus vrai pour les jeunes diplômés issus du milieu universitaire (où sont sur-représentés les jeunes d’origine sociale modeste).

  • Le manque de réseau professionnel 

Les jeunes issus de milieux plus modestes n’ont pas dans leur entourage proche des personnes occupant les postes qu’ils visent. Le mentor est également là pour apprendre au mentoré à se constituer un réseau professionnel et le solliciter.

  • L’orientation professionnelle 

Cette orientation est bien souvent assurée par l’entourage proche. Or les jeunes diplômés (bac+3 et plus) issus d’origine sociale modeste sont pour la plupart les premiers de leur famille et de leur entourage à avoir fait des études supérieures. Ceci peut amener des sentiments d’inadéquation et d’illégitimité auprès de leurs camarades de promotion et des difficultés à se projeter au-delà du diplôme.

3 heures par mois pour changer un destin

80% des mentorés, interrogés dans le cadre de l’étude d’impact social, viennent d’abord chercher un « coup de pouce ». Deux tiers identifient le réseau professionnel comme étant ce qui leur manque. Vient ensuite le fait de gagner en pertinence dans leurs entretiens ou dans leurs projets professionnels.

En tant que cadres expérimentés, nous pouvons toutes et tous, être d’un soutien précieux pour ces jeunes méritants. Et cela ne prend que 3 heures par mois en moyenne, pour changer le destin de ces jeunes.

Un engagement bénéfique pour l’entreprise et ses mentors

J’en viens maintenant à l’autre face, à savoir celle des entreprises et des mentors engagés. Tout d’abord, le fait d’engager son entreprise dans une démarche de mentoring est perçu positivement, à la fois par nos collègues et par nos clients. De plus, concrétiser la stratégie RSE par de tels engagement vis-à-vis de l’égalité des chances est satisfaisant. Mais aussi étonnant que cela puisse paraître, cet engagement est plus bénéfique encore pour les mentors et pour la politique RH de l’entreprise.

Devenir mentor, c’est donner du sens à son travail et rendre ses salariés plus engagés dans une société plus inclusive.

80 % des mentors placent la fierté et le sens que cela contribue à donner à leur travail quotidien, en tête des apports qu’à leur engagement. En tant que DRH, nous savons combien le sentiment d’appartenance et la fierté sont précieux pour les salariés. Être au contact de ces jeunes, essayer de comprendre leurs difficultés qui sont souvent loin de nos préoccupations, nous amènent à exercer notre travail différemment.

Le mentorat permet de favoriser l’égalité des chances et de lutter contre le déterminisme social. Il est l’incarnation d’une société solidaire qui permet d’ouvrir le champ des possibles. Devenir mentor, c’est donner du sens à son travail et rendre ses salariés plus engagés dans une société plus inclusive.

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