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Violence domestique : quel rôle pour les (D)RH ?

Karine Branger, DRH groupe d’Armatis, est engagée de longue date contre les violences faites aux femmes. Elle travaille avec Frédérique Martz Sutter, co-fondatrice et directrice générale de l’Institut Women Safe. Women Safe réunit en un même lieu des professionnels de la santé, de la justice et des thérapeutes unis par le secret partagé pour venir en aide aux victimes de violence et sensibiliser.
Sommaire

A l'heure où le confinement a révélé l'ampleur des violences domestiques, découvrez le regard croisé de deux femmes engagées et de terrain. 

Les confinements ont aggravé les violences domestiques. Pourquoi est-ce un sujet pour les (D)RH ?

FMS : En France, les signalements de violences domestiques ont augmenté de 60% pendant le deuxième confinement. Si les confinements ont mis en évidence l’accroissement des violences domestiques, la crise économique ne fera qu’en aggraver les chiffres. La perte d’un emploi plonge la cellule familiale dans une précarité presque immédiate. 

Mieux outillées grâce à l’arsenal judiciaire et au renforcement des dispositifs d’urgence, les victimes ont pu par ailleurs plus facilement libérer la parole : plateforme Signalement Police, le 3919, mesure d’éloignement immédiate… 

44 235 appels au 3919 pendant le confinement. La hausse des chiffres peut aussi s’expliquer ainsi, et donc pas nécessairement que le nombre de violences a augmenté durant cette période.

KB : Les entreprises soucieuses de la qualité de vie de leurs collaborateurs se doivent d’intégrer ces situations pour renforcer leur lutte contre toutes formes de violences domestiques. Mais la distance ajoute aux difficultés de repérage, d’autant plus que les victimes elles-mêmes ont souvent honte, voire nient les faits de crainte d’être jugées et que cela nuise à leur emploi qui s’avère pouvoir être une forme de refuge pour elles. Pourtant il faut parvenir à briser le silence en libérant la parole de la victime, qu’il faut pouvoir protéger et accompagner.

"Les victimes elles-mêmes ont souvent honte, voire nient les faits de crainte d’être jugées et que cela nuise à leur emploi qui s’avère pouvoir être une forme de refuge pour elles."

FMS : L’entreprise ne peut plus ignorer l’impact d’un bouleversement des références sociales dans le travail. Les nouveaux modes d’exercice tel que le télétravail rompent avec les liens sociaux indispensables. La distance ne permet plus de considérer qu’il n’y a pas de lien entre vie privée et vie professionnelle. L’entreprise doit pouvoir garantir l’autonomie financière des femmes salariées. Souvent les victimes, sous emprise, voient leurs finances contrôlées par l'agresseur, ce qui empêche la fuite. Comme le soulignait Gisèle Halimi « La malédiction à conjurer pour une femme, c’est la violence économique ».

Comment approcher les victimes quand on est RH ?

KB : Les victimes cloisonnent pour se protéger, ce ne sont donc pas forcément les services habituels RH ou managériaux qui seront les mieux placés pour accueillir ces dernières. Cependant, il leur revient de mettre en place les structures et les outils pouvant remplir cette mission.

FMS : Lorsque les RH s’appliquent à considérer la porosité entre ces deux temps de vie (privé/professionnelle), ils y voient beaucoup d’opportunité. Investiguer les changements visibles qui pourraient être liés à un état de santé fragile (perte de poids, stress, arrêt maladie fréquent…), mais également ceux plus invisibles (isolement pendant les temps de pause) est souvent révélateur. Repérer c’est déjà permettre au plus grand nombre d’être sensibilisé en tant que témoin.

"L’indifférence amène à rester dans le déni de l’autre."

Quelles bonnes pratiques RH mettre en œuvre pour prévenir ces violences ? 

FMS : La prise de conscience collective dans une entreprise me paraît être la première marche vers une action qui produit ses effets immédiats. Il faut penser globalement : aider les victimes c’est aider les témoins à se mobiliser. Une victime est souvent seule, car il ne suffit pas de libérer la parole, il faut savoir l’accompagner et la soutenir de façon pérenne. Le cycle des violences est souvent méconnu, et les témoins peuvent être déstabilisés par le comportement de la victime lorsqu’elle arrive dans cette phase ‘lune de miel’, lorsque l’auteur regrette… il ne s’agit là pas d’interpréter ses propos en minimisant la situation. 

Karine Branger nous a permis de mesurer que lorsqu’une entreprise enjoint ses salarié.es à assister à une séance de 3 H de sensibilisation obligatoire, personne n’est laissé de côté, ni la victime qui ne s’est pas encore déclarée, ni le témoin qui ne savait pas comment agir. Par ailleurs, il arrive fréquemment qu’une femme qui quitte son domicile suite à des violences (l’éviction du conjoint violent étant une règle plus théorique que pratique) quitte également son travail. 

Face à des besoins de ressources immédiats, il est donc important que les employeurs respectent les règles, notamment celle du déblocage de l’épargne salariale : il s’agit d’un nouveau motif entré en vigueur à l’été 2020 et permettant aux victimes de violences conjugales de débloquer par anticipation leur épargne salariale afin de subvenir à leurs besoins pour s’éloigner de leur agresseur.

" Il ne suffit pas de libérer la parole, il faut savoir l’accompagner et la soutenir de façon pérenne."

KB : 

  • Formation et information constituent le socle de base indispensable.
  • Les moyens humains pouvant accueillir et agir comme référent.e ou assistant.e de service social et ou infirmier.es là où cela est possible ou encore le médecin du travail
  • Les campagnes de sensibilisation et formation de l’ensemble des acteurs de l’entreprise pour repérer les signaux de fragilité
  • Les moyens matériels envisageables comme gardiennage des papiers personnels, facilitation du changement de coordonnées bancaires et mise à disposition de moyens techniques ou médiatiques (téléphone, pc, imprimante…).

"Je dirais en résumé être à l’écoute des signaux, identifier, oser parler et accompagner et mobiliser en fonction du type de besoins." 

Les intervenant(e)s
Frédérique Sutter Martz,
Co-fondatrice et Directrice Générale de l’Institut Women Safe
Karine Branger,
DRH groupe d’Armatis
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