Audrey Richard, DRH du groupe Up et Présidente de l'ANDRH souligne qu'un des points cruciaux pour arriver à un monde du travail pleinement égalitaire réside dans l'accès des femmes aux postes à responsabilité.
"En dix ans, la loi Copé-Zimmermann a réussi son pari : le quota de 40 % de femmes instauré dans ces organes du pouvoir est dépassé. Je m’en réjouis et j’appelle à étendre cette réflexion dans les comités exécutifs."
Audrey Guidez, DRH du groupe Aliénor et membre du Bureau National de l'ANDRH ajoute que des secteurs entiers de l'économie française sont privés de diversité et appelle à sortir des représentations de métiers dits d'hommes ou de femmes.
Les compétences que les stéréotypes associent à la féminité (empathie, soin, minutie, organisation etc.) sont celles qui sont les moins valorisées et rémunérées sur le marché du travail quand les compétences dites masculines (ambition, compétences techniques, négociation, leadership etc.) sont associées à des positions de pouvoir et de responsabilité.
"Il existe de nombreux secteurs où les femmes sont encore peu nombreuses comme par exemple les métiers de la forêt, le BTP, le transport etc.... Même si la tendance tend à s'améliorer et ceci grâce à une implication de certaines branches professionnelles, nous sommes encore loin de l'équilibre ! Il est temps d'agir, à commencer par les orientations scolaires afin que les métiers dits masculins soient présentés, proposés et valorisés auprès des jeunes étudiantes.
Enfin, les mentalités doivent changer et surtout celles des dirigeants. La "France des machos" doit être la France d'avant ! Une femme peut exercer un métier d'homme, une femme peut diriger un service, une entreprise etc. autant qu'un homme ! Les préjugés et réticences doivent cesser."
Emmanuelle Germani, DRH de Kaporal et membre du Bureau National complète en précisant que ces disparités ont des conséquences bien au-delà du monde du travail et contribuent à façonner le monde. Par exemple :
"Dans le secteur des nouvelles technologies, les enjeux sont immenses ! Peut on imaginer construire le monde numérique de demain sans la contribution de la moitié de l’humanité ? Au-delà des obligations légales et de la construction de marques employeur inclusives, il est vital de croiser la vision des femmes et des hommes pour construire les outils de demain, pour contrer les biais d’une IA masculine montrant déjà ses limites.
L’innovation doit se nourrir de la diversité, et ce dès l’étape de conception des algorithmes. En exclure les femmes, c’est prendre le risque de les voir privées d’opportunités dans un monde qui ne sera pas dessiné ni par ni pour elles."
Les carrières des femmes sont encore différentes de celles des hommes du fait de leur maternité. Elle ne s'y trompent d'ailleurs pas : 86% des femmes estiment que la maternité a un impact négatif sur leur carrière. Des avancées sont en cours avec par exemple, dès juillet 2021, un congé paternité allongé mais les préjugés persistent.
Un congé maternité dure 16 semaines et a l'avantage d'être parfaitement anticipable. Audrey Guidez invite à relativiser la durée de cette absence qui, ayant lieu tout au plus quelques fois dans la carrière d'une salariée, pèse un poids démesuré dans la carrière des femmes. Elle ajoute :
"Toutes les études le démontrent, les femmes revenant de congé maternité et qui reprennent leur poste de travail dans de bonnes conditions sont plus organisées, méthodiques et productives qu'avant : elles savent placer au bon endroit, au bon moment le curseur de l'implication au travail. Alors qu'attendons-nous pour mettre en place des parcours d'accompagnement pour reprise d'activité après un congé maternité ?"
Selon Audrey Guidez, si maternité et postes à responsabilité sont difficiles à concilier, c'est à cause des pressions qui pèsent sur les femmes dirigeantes :
"Il est temps que les femmes cadres puissent mener carrière et vie familiale sans charge mentale excessive et d'assumer leurs choix d'être une mère impliquée tant dans sa carrière qu'auprès de sa famille."
Pour Emmanuelle Germani, le sujet dépasse le genre. Hommes et femmes doivent s'impliquer pour faire bouger les lignes.
"Je crois fermement que le problème de la parité n’est pas le problème des femmes, c’est celui de la société dans son entièreté, et donc des hommes, à associer de toute urgence.
Il questionne les stéréotypes, les rôles multiples des femmes et l’équilibre de la parentalité, et la vision d’un monde du travail encore trop envisagé au travers du prisme d’une ambition encore majoritairement masculine."
Les signalements de harcèlement sexuel sont en hausse. Les DRH sont en première ligne pour accueillir la parole des victimes, établir les faits, décider puis appliquer les sanctions adéquates puis accompagner la victime et le collectif de travail vers un apaisement retrouvé. Cela requiert, selon Audrey Guidez, sang-froid et prise de hauteur.
"Une lourde responsabilité repose sur les DRH qui se doivent de prendre un recul suffisant sur la situation dénoncée. Faire son "enquête" soi-même, réunir les partenaires sociaux, faire appel à des prestataires externes etc. Les situations sont complexes et requièrent des intervenants différents face à une salariée en position de mal-être.
Quand le harcèlement est dénoncé comme harcèlement sexuel, nous avons parfois à gérer des situations que nous estimons inadmissibles en tant que femme, en tant que DRH. Il convient de savoir prendre de la hauteur pour analyser au mieux la situation et proposer l'accompagnement adéquat."
La prévention est un travail de chaque instant. Pour toutes et tous, victimes et auteurs de violence mais également témoins de situations problématique, la ligne à ne pas franchir doit être claire et les recours identifiés.
"Faire évoluer les modes de management, les perceptions, les méthodes de communication, tel est notre enjeu dans une société en quête de repères."
Cependant, si le sujet ne repose que sur les directions des Ressources Humaines, majoritairement féminines, que se passe-t-il lorsque les (D)RH sont elles-mêmes victimes ?
"Enfin, il convient également d'indiquer que des femmes DRH ont aussi à subir ou ont subi des situations de harcèlement moral ou sexuel. Dans ces moment-là, une professionnelle se retrouve seule face à tous avec comme seule option le plus souvent de quitter l'entreprise et de se reconstruire loin de cet environnement toxique. La décision de dénoncer les faits ou non lui appartient."
>> Retrouvez la tribune "Violences domestiques, quel rôle pour le (D)RH ?"