Article issu de notre magazine (numéro 610 mai 2021)
Laurence Legendre : Ce sujet touche 15 à 20% de la population française. Celle-ci peut prendre des formes diverses, car elle ne concerne pas uniquement les hauts potentiels intellectuels.
Olivier Menuet : En effet, lorsque l’on parle de diversité cognitive, on y intègre aussi les autistes Asperger, les hypersensibles ou encore les présentant des troubles DYS (dyslexie, dysorthographie...). C’est tout ceci qui a motivé la création de ce réseau interne.
« Quelqu’un qui s’exprime, pense ou raisonne différemment, parfois de manière plus directe, globale et plus rapidement que le reste de son équipe peut déranger. »
LL: Ce sont tout d’abord des prises de conscience personnelles, en ayant eu le sentiment, nous-même, d’être en décalage par rapport à la norme, avec un fort potentiel créatif et un foisonnement d’idées. Et le constat que nous en avons tiré, c’est qu’il est dommage de ne pas intégrer davantage ces profils et de ne pas leur donner la latitude suffisante pour qu’ils puissent penser “out of the box” et créer de la valeur pour l’entreprise.
OM : Nous sommes convaincus que l’inclusion de la diversité cognitive dans le monde du travail fait partie de la dimension RSE, créatrice de valeur (financière, humaine, immatérielle…). Nous nous avons donc décidé de lancer ce réseau interne, avec le sponsor du réseau SNCF au Féminin, le réseau Mixité de l’entreprise.
« Le premier objectif était déjà d'en parler car la diversité cognitive peut avoir un impact direct sur la performance de l’entreprise et le bien-être des collaborateurs. »
LL Le premier objectif était déjà d’en parler, d’être en mouvement, car le sujet de la diversité cognitive peut avoir un impact direct sur la performance de l’entreprise et le bien-être des collaborateurs. Le second objectif est d'intéresser et d’informer différents publics sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle ce réseau est ouvert à trois typologies de collaborateurs :
« Nous avons sensibilisé les managers de jeunes femmes Asperger qui rencontraient des difficultés, notamment parce qu’elles ont de grandes difficultés à décrypter les signes non-verbaux. »
OM : Il y a tout d’abord, les personnes directement impliquées, présentant une ou plusieurs caractéristiques en lien avec la diversité cognitive. Notre but est qu’elles soient connues et reconnues pour leurs spécificités. Et ensuite, de leur mettre à disposition un espace où ils peuvent échanger avec leurs pairs car leur situation peut être source de souffrance au travail.
Viennent ensuite les personnes concernées par ce sujet, car elles ont par exemple un enfant autiste ou un manager hypersensible etc. Notre but est de leur partager des connaissances, pour qu’ils puissent mieux comprendre le sujet et s’en emparer.
Enfin, ce réseau est aussi ouvert aux personnes qui s’y intéressent, parfois sans savoir qu’elles sont elles-mêmes concernées !
LL : Notre but à terme est de mettre à disposition des collaborateurs un centre de savoir sous la forme d’un site interne en complément de notre activité sur le réseau social d’entreprise. Nous allons également créer un livret sur la diversité cognitive et ce qu’elle implique pour donner des clés de compréhension aux RH, collègues ou managers. Les autres actions seront proposées au fil des besoins qui émergeront au sein du réseau.
OM : Le premier message est que la diversité cognitive est une richesse et qu’il est parfois utile d’aller au-delà de critères prédéfinis, notamment en ce qui concerne les hauts potentiels intellectuels. Car si l’on se base uniquement sur ceux-ci, on risque de passer à côté de réels talents. Nous sommes conscients que quelqu’un qui s’exprime, pense ou raisonne différemment, parfois de manière plus directe, globale et plus rapidement que le reste de son équipe peut déranger.
LL : Il y a donc un besoin commun à tous : la connaissance. Pourquoi ? Parce que celle-ci permet l’accueil de la différence et de dépasser les préjugés pour parvenir à travailler tous ensemble. Nous avons par exemple récemment sensibilisé les managers de deux jeunes femmes Asperger dans l’entreprise qui rencontraient des difficultés au sein de leurs équipes, notamment parce qu’elles ont de grandes difficultés à décrypter les signes non-verbaux. De même, la possibilité de faire du slashing, c’est-à-dire d’avoir plusieurs activités et donc plus de créativité, peut permettre à certains de ces profils de s’épanouir davantage au sein d’une entreprise.
« La prochaine frontière des politiques RH responsables ne serait-elle pas la diversité cognitive ?
OM : Pour ce qui est de l’accueil au sein de l’entreprise, nous sentons qu’il y a une réelle volonté d’inclusion, de faire avec et de créer de la valeur autour du sujet de la diversité cognitive. À terme, nous espérons avoir un réseau suffisamment fort et bien enraciné pour réussir à irriguer toutes les strates de l’entreprise. Et les premiers signes sont encourageants ! Nous nous sommes lancés début janvier, et nous avons déjà 185 membres dans notre communauté, sans avoir fait la promotion du réseau.
LL : Cependant, nous allons commencer à le faire au travers de l’organisation de deux conférences dans les mois à venir. La première aura pour but d’expliciter ce qu’est la diversité cognitive et la seconde, d’évoquer les particularités vis-à-vis du travail. Pour ce qui est des RH, nous sommes en contact avec un certain nombre de collaborateurs de la fonction au sein de l’entreprise, car elles font partie de notre communauté. Lorsque l’occasion se présente, nous n’hésitons pas à les solliciter au besoin pour avoir leur point de vue notamment sur certaines situations.
OM : Et après tout, soyons un brin provocateur, la prochaine frontière des politiques RH responsables ne serait-elle pas la diversité cognitive ?