Article issu de notre magazine (numéro 610 mai 2021)
Thomas Chardin : L’expérience collaborateur une démarche de marketing RH fondée sur la prise en compte de l’expérience vécue des salariés. Elle est liée, chez les entreprises qui la pratiquent, à une culture RH d’écoute et de participation, qui met l’accent sur l’évaluation des ressentis.
De manière générale, ces organisations sont beaucoup plus proches de leurs collaborateurs et s’intéressent davantage à la façon dont leurs salariés vivent les événements. Par exemple, à l’heure actuelle, elles évaluent plus souvent le vécu de la crise par leurs collaborateurs, quelle que soit l’ancienneté de la démarche d’expérience collaborateur.
D’autre part, ces organisations paraissent davantage équipées en solutions digitales RH. Parmi ces solutions, les outils participatifs pour faire remonter les contributions des collaborateurs et pour mesurer leur qualité de vie au travail sont les plus souvent cités. La gestion des parcours, la mesure de l’expérience apprenant, les problématiques de recrutement et d’onboarding viennent en second.
« Le marketing est parfois mal compris, mal vu, et perçu comme un domaine peu noble, éloigné de l’humain. »
TC : Elle permet de considérer sa population comme composée de segments, à qui il faut s'adresser et agir de manière différenciée. Elle invite également la fonction RH et l'organisation toute entière à s'intéresser à la manière dont les politiques RH, les actions menées, les éléments de communication... sont vécus et ressentis par les collaborateurs.
De ce que j’observe, la fonction RH est extrêmement sensible à la qualité du service qu'elle propose, mais apparaît moins regardante sur la perception qu’en ont ses clients : les collaborateurs.
Pour entrer pleinement dans l'ère de l'expérience collaborateur, la fonction RH a donc un “coming out marketing” à faire. Pour réaliser sa mission et répondre au mieux aux attentes de chacun, il est nécessaire de s'approprier les codes du marketing. C'est un sujet sur lequel la fonction RH a parfois du mal à se positionner, et pour cause : le marketing est parfois mal compris, mal vu, est perçu comme un domaine peu noble, éloigné de l’humain.
TC : L'expérience collaborateur peut être très utile pour améliorer l'organisation RH en elle-même et sa manière de fonctionner. Le principe de base est de questionner les collaborateurs sur les irritants, c'est-à-dire les éléments frustrants, bloquants, qui leur posent problème dans leur vie quotidienne dans l'entreprise.
De manière générale, et cela parait évident, on observe que les salariés ont besoin de cohérence : si on attend d'un commercial qu’il soit proactif et à l'écoute du client, celui-ci a logiquement les mêmes attentes envers son service RH.
« Ce qui ressort des enquêtes ? Obtenir une réponse rapide de la part de la fonction RH, avoir un seul point d'entrée et que le socle administratif soit fiable. »
Ce qui ressort des enquêtes internes sur ce sujet sont des enseignements assez basiques : obtenir une réponse rapide de la part de la fonction RH, avoir un seul point d'entrée (dans la multitude des canaux de communication et des outils de l'entreprise), que le socle administratif soit fiable... On ne peut améliorer l'expérience collaborateur que si ces fondations (paie, contrat, gestion administrative, notes de frais, accident de la vie, congés...) sont gérées correctement.
TC : On peut d'abord utiliser des solutions marketing très simples telles que les enquêtes quantitatives appuyées par des outils de sondage ou en utilisant des solutions digitales un peu plus poussées. Il est également utile de cultiver les retours formels et informels, individuels et collectifs, par exemple avec des interviews et des focus group. Il faut aussi rendre ces retours d'expérience ludiques pour inciter les collaborateurs à participer.
« Cette prise de température doit ensuite s’inscrire dans le fonctionnement normal du service RH, pour lui permettre de s’améliorer en continu. »
A l’issue de cet état des lieux, certaines actions simples peuvent être menées avec par exemple le lancement d’outils digitaux simples et gratuits. Certains retours méritent en revanche de créer des projets d’ampleur, telle que la refonte d’un service de paie ou la mise en place d’une vraie culture managériale d’écoute. Cette prise de température doit ensuite s’inscrire dans le fonctionnement normal du service RH, pour lui permettre de s’améliorer en continu.
TC : Plusieurs raisons expliquent que certaines organisations RH restent imperméables aux notions de marketing et d’innovation : la culture de l’entreprise, les réticences de la direction, des managers et/ou de la DRH, certaines contraintes particulières de production…
Les éléments mis en lumière dans l’édition 2020 du baromètre de l’expérience collaborateur à ce sujet sont le manque d’impulsion de la direction, le manque de temps et le poids de l’organisation.