Patricia Rigaud, Fondatrice de Net Cancer & Cancerconsult, Professeur Stéphane Oudard, Chef de Service de Cancérologie Médicale de l’Hôpital Européen Georges Pompidou de Paris, Docteur Estelle Guerdoux, Psychothérapeute Cognitivo-Comportementale à l’Institut Régional du Cancer de Montpellier et Laurence Breton-Kueny, DRH du Groupe Afnor et Vice-présidente de l'ANDRH nous ont partagé de précieuses informations pour faire face à la maladie dans le monde du travail.
Patricia Rigaud a relevé que plus de 3,8 millions de personnes sont atteintes par la maladie en France. On détecte 400 000 nouveaux cas chaque année et plus de 150 000 décès par an en raison de cancers. C’est la 1ère cause de décès chez les hommes et la 2ème chez les femmes. Il faut savoir qu’il y a quatre principaux cancers :
Autre fait marquant, il n’y a pas forcément un corollaire entre fréquence du cancer et indice de mortalité. Globalement, Patricia Rigaud a rappelé que le taux de mortalité du cancer tend à baisser depuis 10 ans grâce à la science et la recherche. Toutefois, le nombre de cas de cancer est en augmentation, notamment en raison du vieillissement de la population.
L’alimentation, les facteurs environnementaux avec la présence de radon[1] dans les sols, l’exposition au tabagisme passif ainsi que la pollution atmosphérique sont d’importants facteurs de risque de cancer.
Certaines professions sont directement exposées à des risques de cancer, notamment :
Le professeur Stéphane Oudard a souligné l’impact considérable du cancer sur le travail. Toutes les organisations sont concernées puisque 50% des personnes atteintes par un cancer sont en âge de travailler et 40% disent avoir une activité professionnelle.
De même, 5 ans après la découverte d’un cancer, on observe que 54% des personnes sont restées dans leur emploi, 17 % ont changé de métier et 20% ne travaillent plus.
La prévention et le dépistage précoce doivent se généraliser pour les cancers notamment du poumon, du colon, de la prostate et du sein. Les RH peuvent intervenir à leur niveau pour sensibiliser les collaborateurs en leur proposant des forums, des tables rondes, des ateliers ludiques sur la question. Les temps dédiées à la QVT (par exemple le mois sans tabac, le mois d’octobre pour le cancer du sein, le mois de mars pour le côlon…) peuvent être des tremplins pour communiquer sur ces sujets.
Il ne faut donc pas hésiter à aborder ces différentes méthodes de dépistages avec ses collaborateurs. Toutes ces informations auront un impact majeur sur les chances de guérison.
Laurence Breton-Kueny a alerté sur l’importance de la prévoyance. Le régime de prévoyance complète les indemnités journalières d’allocation de la sécurité sociale. Le choix de la prévoyance dans les organisations est donc capital. « Dans mon entreprise, nous avons fait le choix d’une prévoyance qui prévoit 2 ans d’indemnités à 100% afin de maintenir le même niveau de salaire à nos collaborateurs au lieu des 1 an initialement prévu. Après 2 ans, les salaires sont maintenus à 80%» a-t-elle indiqué.
Selon Laurence Breton-Kueny, « en tant que RH, nous avons un rôle à jouer dans la prévention par notre politique QVT. L’environnement et les comportements individuels ont un impact sur le risque de développer un cancer ». Au sein de son entreprise, Laurence Breton-Kueny et son équipe, travaillent à plusieurs niveaux. Le premier niveau vise à inciter les collaborateurs à adopter une bonne hygiène de vie. Le RH peut alors donner accès à l’information. « Nous faisons aussi passer des bilans de santé tous les 2 ans à nos salariés » précise-t-elle.
Le second niveau s’inscrit dans l’accompagnement des collaborateurs souffrant de pathologies. L’Afnor est d’ailleurs signataire de la charte « cancer & emploi » de l’Inca. Laurence Breton-Kueny préconise aussi de rester en contact avec le collaborateur lorsque cela est possible pour maintenir le lien social pour certains salariés mais aussi pour préparer le retour à l’emploi avec le dispositif du rendez-vous de liaison prévu dans la loi santé. Ce dispositif permet après 30 jours d’arrêt maladie d’informer le salarié de ses droits.
Dr Estelle Guerdoux indique qu'il est conseillé de comprendre les différentes temporalités de la découverte d’un cancer pour savoir dialoguer avec son collaborateur :
Ces temps sont jalonnés par des arrêts maladie. Le collaborateur peut ainsi mettre de côté l’aspect professionnel dans les 3 premiers cas, le plus souvent.
Le RH peut aussi le mettre en confiance sur le maintien de son emploi et/ou proposer des alternatives en fonction de ses capacités actuelles.
Il est important de garder le lien même pendant les absences sans forcément attendre de réponse, d’ouvrir le dialogue sur la prise de congés pour le suivi des traitements médicaux et la possibilité de faire un mi-temps thérapeutique. Pour cela, il est recommandé au RH de garder une posture professionnelle, de rester chaleureux en faisant attention notamment à son langage non verbal et para-verbal.
« Être authentique et empathique, c’est aussi se sentir à l’aise avec ses propres émotions vis-à vis du cancer et celles du salarié, reconnaitre ses limites tout en se connectant à la réalité de l’autre » précise-t-elle.
Pour Laurence Breton-Kueny, il convient d’épauler le collectif dans les organisations et bien les préparer à l’annonce d’un cancer. Il est possible aussi de faire appel à des psychologues pour soutenir le collectif face aux différents cycles de la maladie.
Il est aussi important d’ouvrir les discussions sur un éventuel remplacement du salarié convalescent afin de limiter tout déséquilibre dans la charge de travail des équipes sur la durée. « J’accompagne l’individu mais j’ai la responsabilité du collectif, je ne dois délaisser aucune partie » conclue-t-elle.
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[1] Gaz radioactif incolore et inodore