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« Généralisons l’alternance tout au long de la vie ! » - Florence Guebey

Alors que l’apprentissage ne cesse de gagner de l’ampleur au sein des entreprises, le Gouvernement a reposé sur la table la question du financement, suscitant l’inquiétude des entreprises accueillantes et des CFA. Décryptage avec Florence Guebey, présidente de la commission Alternance, administratrice de la fédération Les Acteurs de la Compétence et Directrice générale du Campus Fonderie de l’Image. Un article issu du supplément Droit social du magazine de l'ANDRH.
Sommaire

 

Comment fonctionne votre commission ?
 

Florence Guebey : Les Acteurs de la Compétence est un réseau qui réunit près de 1400 entreprises de formation et du développement des compétences, dont un tiers de CFA. Nos CFA sont présents sur tout le territoire national, et forment sur tous les métiers et tous les niveaux de qualification.

L’objectif de notre Commission est d’accompagner nos CFA dans l’exercice de leur activité, mais aussi d’éclairer les décisions publiques sur ces enjeux d’apprentissage et soutenir cette voie d’accès vers l’emploi, le travail, et l’insertion sociale des jeunes. L’apprentissage est une voie d’excellence en ce qu’il permet à la fois d’accéder au marché de l’emploi et à des niveaux de qualification jusqu’à Bac +5.
 

 

Quelles sont les thématiques qui émergent de la part vos adhérents ?
 

 

F.G. : Actuellement, l’instabilité du système de financement de l’apprentissage suscite le plus de questionnement chez nos adhérents. Les financements ne cessent de changer (et de baisser !) au gré de décisions gouvernementales prises sans concertation, selon des méthodes de calcul difficilement compréhensibles et décorrélées des réalités économiques. Nous sommes donc très mobilisés et appelons à la simplification et pérennisation du système de financement du dispositif.

Par ailleurs, nous sensibilisons nos CFA aux grandes transformations actuelles, et notamment l’intelligence artificielle qui impacte les modèles d’apprentissage et pratiques pédagogiques. Le choc des générations – et notamment avec l’arrivée de la génération alpha1 et les attentes qui en découlent, est également un phénomène qui appelle à la transformation de nos adhérents dans leur accueil, leur accompagnement et leur formation des jeunes.

 

Quel est votre regard sur la réforme de l’apprentissage de 2018 ?
 

 

F.G. : Cette réforme est une grande réussite. Elle a permis le développement de la pluralité de l’offre par apprentissage dans tous les territoires. Cela a permis de développer l’accès pour les jeunes et toutes les entreprises à l’apprentissage sur des compétences en lien avec le besoin des territoires et aussi sur des compétences transversales. La réforme a ainsi permis aussi à des plus petites entreprises de recruter des compétences sur tous les niveaux de qualification.

 

« La réforme a ainsi permis aussi à des plus petites entreprises de recruter des compétences sur tous les niveaux de qualification. »

 

Quel est l’état des lieux du financement de la formation professionnelle aujourd’hui ?
 

F.G. : Tous les secteurs économiques sont impactés par les grandes transformations de notre temps (transitions écologique et technologique, transition démographique, évolution de l’organisation du travail, etc.), ce qui génère de nombreux besoins en compétences pour appréhender l’évolution des métiers et emplois. Or, en 2024, le gouvernement a lancé un plan d’économie générale pour le pays, et le financement de la formation professionnelle s’en retrouve directement et fortement impacté. Nous manquons donc de visibilité et sommes inquiets de ces signaux car l’investissement dans les compétences est pourtant un enjeu de souveraineté, de compétitivité et de cohésion sociale.
 

Des coupes ont été réalisées dans les aides à l’embauche en alternance. Quel est votre regard sur ce sujet ?
 

F.G. : C’est une question délicate car la mise en place de cette aide s’est faite dans un moment particulier, à savoir le Covid-19, afin de limiter les impacts de la crise sanitaire sur l’insertion professionnelle des jeunes. L’aide exceptionnelle de 8 000€, réduite plus tard à 6 000€, a contribué sans aucun doute à l’essor de l’alternance. Beaucoup d’entreprises ont joué le jeu alors qu’elles étaient en gestion de crise. Notamment les PME-TPE dans des secteurs en tension qui ont souhaité garantir une continuité de leur métier, avec la quasi-garantie que le jeune reste après son apprentissage.
 

Au sein de la Fédération, nous espérons le maintien de l’aide pour les prochaines années afin de pérenniser cet essor. Si l’aide à l’embauche d’apprentis était amenée à être revue par les pouvoirs publics, nous demandons qu’elle soit maintenue sur tous les niveaux de qualification au nom de l’égalité des chances. En effet, l’apprentissage permet à des jeunes, notamment issus de milieux moins favorisés, d’accéder à des niveaux de qualifications auxquels ils n’auraient pu prétendre sans ce dispositif.
 

L’objectif du gouvernement était de 1 million d’apprentis. Cette barre a été franchie en 2023. Cela vous parait-il envisageable sur le long terme ?
 

F.G. : Si nous regardons les chiffres par le prisme du flux de nouveaux contrats, la barre du million n’est pas franchie. En 2023, 852 000 nouveaux contrats d’apprentissage ont été signés. Mais le chiffre d’un million est avant tout symbolique et il est nécessaire de prendre en compte deux variables :
 

  1. La situation démographique. Le taux de natalité baisse en France, il y a moins de jeunes actifs à arriver sur le marché du travail. Face à cet enjeu, couplé avec celui du rallongement de la vie professionnelle et des reconversions, il sera nécessaire de généraliser l’alternance tout au long de la vie.
  2. Le taux de chômage des jeunes. L’essor de l’apprentissage ces dernières années a permis de réduire le taux de chômage des jeunes en France de 5 points. Cependant, celui-ci reste encore extrêmement élevé à 17%. L’apprentissage a encore tout son rôle à jouer pour favoriser la qualification et l’insertion professionnelle des jeunes. Et c’est pour cela que l’Etat doit avoir une politique publique forte et assumée pour la jeunesse, et ainsi maintenir son investissement dans l’apprentissage. Une grande partie des métiers de 2030 n’existe pas encore. Il faut donc un système à la fois agile et stable qui permette aux CFA et aux entreprises d’innover et développer de nouveaux parcours de formation en alternance pour y répondre au fil de l’eau.

 

Quelles sont les bonnes pratiques des entreprises pour recruter des alternants ?
 

F.G. : Tout dépend de la taille et du secteur des entreprises. Cela est très varié. Une problématique commune aux entreprises consiste à attirer les nouvelles générations, les nouveaux talents, et à les fidéliser. Les nouvelles générations ont de nouvelles attentes vis-à- vis des entreprises, en accord avec leurs valeurs. Le recrutement d’un alternant nécessite d’activer chez lui ce levier d’attractivité. Cela passe aussi par de nouvelles méthodes de communication, et des petites choses très simples peuvent faire la différence : visite des locaux, mise en scène sur TikTok…
 

De la même façon on parle de réputation, et cela démarre dès le recrutement des jeunes qui s’informent en lisant les commentaires et les avis en ligne sur l’entreprise. En plus de l’enjeu d’attirer les jeunes, le rôle de l’entreprise et d’accompagner et former l’apprenti. Il ne faut pas oublier que l’apprentissage est tripartite, et réunit un jeune, un CFA et une entreprise. Chacun doit jouer son rôle autour d’un objectif commun : l’obtention de la qualification et la maitrise pratique d’un métier. C’est pour cela qu’il est très important pour les entreprises de former leurs maitres d’apprentissage et tuteurs. Certains OPCO peuvent prendre en charge cette formation.

 

Pour aller plus loin :

Guillaume Ison/Ville de Bagnolet
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