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Paie et difficultés économiques : éléments de négociation collective

La compétitivité sociale est une possibilité offerte par la négociation collective d’entreprise. Arnaud Saint Raymond, directeur associé et Elodie Moroy, avocat associé au sein du cabinet Fidal décryptent pour vous dans cet article deux sujets de négociation collective parfois oubliés : la paye et les difficultés économiques.
Sommaire

Article issu de notre magazine (supplément dialogue social  juil - août 2021)

Les sujets ouverts à la négociation collective d'entreprise

L’exclusion de la primauté de l’accord collectif d’entreprise concerne principalement les thèmes suivants :  

  • Salaires minima et classifications 
  • Certains thèmes de la durée du travail 
  • Egalité hommes / femmes 
  • Garanties de la protection sociale complémentaire 
  • Certains thèmes relevant de la santé / sécurité (Bloc 2) 

Et tout le reste est ouvert à la négociation collective d’entreprise ! A l’époque de l’entrée en vigueur des ordonnances Macron, des exemples très illustratifs avaient été donnés : indemnité de licenciement, prime d’ancienneté, liste des jours fériés chômés, … 

Force est de constater que cette créativité suscitée n’a eu qu’un succès relatif. Mais il n’est pas trop tard ! De nombreux domaines restent ouverts à une adaptation par accord collectif d’entreprise et le nécessitent particulièrement.  

La paye : une simplicité à trouver

Le traitement des absences en droit social et en paye (rémunération de l’absence, décompte de l’absence dans le compteur d’annualisation, incidence sur le calcul des heures supplémentaires) dépend de l’environnement des accords collectifs applicables à l’entreprise. 

Lorsque l’on se trouve confronté à des questions pratiques (nature de l’absence, heures supplémentaires, annualisation et entrée/sortie…), la complexité peut surgir, notamment en cas de silence des dispositions conventionnelles. Dans ce cas, seules des jurisprudences éparses et parfois difficilement applicables sur le plan opérationnel, notamment en paye, fondent le droit positif. 

Ces « solutions » jurisprudentielles sont complexes à mettre en œuvre que ce soit par les éditeurs de logiciel paye, ou par les interlocuteurs RH/paye en entreprise. 

Exemples de terrain 

Pour les salariés travaillant selon une annualisation du temps de travail et n'ayant pas travaillé toute la période (entrée/sortie), le lissage de la rémunération (rémunération fixe et régulière en dépit des variations d’activité) peut soulever des difficultés. Celles-ci peuvent se retrouver soit à la fin de la période de modulation, soit à la rupture du contrat, où la rémunération peut ne pas correspondre pas au nombre d'heures réellement travaillées. 

En cas d'absence pour maladie du salarié en annualisation, l'incidence sur la rémunération se pose :

  • à la fin du mois pour calculer le salaire mensuel ;
  • à la fin de l'année pour régulariser la rémunération en fonction de la durée annuelle de travail réelle de l’intéressé.

Quelques problèmes pratiques relevés : 
 

  • Le plafond annuel de la durée du travail et le seuil annuel de déclenchement des heures supplémentaires : ils peuvent être non-conformes au regard de la difficulté à appréhender les jurisprudences sur les périodes hautes (durée de l’absence évaluée sur la base de la durée hebdomadaire moyenne) ou basses (calcul sur la base de la durée réelle de travail) ; 
  • Le nombre d’heures supplémentaires payées est parfois défavorable aux salariés par rapport aux dispositions en vigueur ; 
  • Une fluctuation d’activité parfois insuffisamment marquée au niveau de l’entreprise mais effective par secteurs ; 
  • Un cumul d’heures travaillées erroné sur le bulletin de paie au fil des mois de la période de référence concernée ;
  • Un décalage entre l’accord d’entreprise prévoyant une gestion de l’impact des absences « en heures moyennes » et le paramétrage de l’éditeur de logiciel paye « en heures réelles », ou inversement. Ceci peut en outre générer une facturation indue de l’éditeur pour un reparamétrage ; 
  • Les pratiques de paye antérieures de l’entreprise ne permettent pas toujours un retour aisé à l’application littérale des textes (création d’un usage) ; 
  • Un paramétrage décalé du logiciel de gestion des temps et du logiciel de paie pour la prise en compte des heures réellement travaillées à rémunérer ; 
  • L’exposition de la société à différentes sanctions sur le plan civil (salariales, prise d’acte, Urssaf) et pénal ;  

« Investissons-nous dans cette négociation collective aussi vitale que stratégique. » 

Solutions d’anticipations pratiques 

Une aide précieuse peut être apportée par le biais de la négociation collective d’entreprise, laquelle permet la mise en place de règles simplifiées et « sur mesure », en intégrant notamment davantage les responsables paye en amont des négociations. Il s’agit de tendre vers un projet contenant une quadruple dimension plus prononcée : RH, paye, juridique et éditeur de logiciel. 

Si le « terrain de jeu » de la négociation collective est large dans le domaine de la durée du travail (laquelle a un impact en paye), il n’est pas exploré de manière optimale. Investissons-nous dans cette négociation collective aussi vitale que stratégique

Les difficultés économiques : un équilibre à trouver

La vie d’une entreprise n’est pas un long fleuve tranquille, elle passe par des hauts et des bas, qui impliquent des choix difficiles. Dans ce type de situations, on pense très souvent à des outils de réorganisation / restructuration. Désormais, le choix est assez large : plan de sauvegarde de l’emploi, plan de départ volontaire, rupture conventionnelle collective ou même accord de performance collective. Pour autant : ne doit-on pas envisager une négociation collective d’économies pour tenter d’éviter une mesure de restructuration économique ?  

Lorsqu’une entreprise anticipe des difficultés, il est tout à fait opportun de mener la réflexion suivante en 3 étapes :  

Etape 1 : Audit des coûts sociaux
 

Cette étape consiste à recenser les coûts sociaux qui pourraient être adaptés par une négociation collective d’entreprise : primes, jours fériés, congés payés supplémentaires, … 

Etape 2 : Analyse des coûts sociaux : 

  • les classer en fonction de la ou leurs sources juridiques,  
  • dénombrer pour chaque avantage le nombre de salariés concernés, 
  • chiffrer le coût global en brut chargé de chaque avantage,  
  • évaluer l’efficacité de chaque avantage,  
  • évaluer la symbolique sociale de chaque avantage. 

Etape 3 : Etablissement d’une feuille de route
 

Sur ce point, tout est envisageable : une simple adaptation de l’avantage, une suppression totale, une mesure temporaire ou à durée indéterminée éventuellement accompagnée d’une clause de retour à meilleure fortune, … 

L’objectif est d’aboutir à la conclusion d’un accord collectif permettant d’alléger les coûts sociaux, pour ne pas être confronté à des difficultés économiques. Si cela s’avérait insuffisant, il reste toujours la possibilité d’avoir recours aux autres outils juridiques plus lourds de restructurations économiques. Mais là encore, n’hésitons pas à les négocier plus largement en utilisant pleinement la liberté de la négociation collective d’entreprise.  

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Les intervenant(e)s
Arnaud Saint Raymond,
directeur associé, cabinet Fidal
Elodie Moroy,
avocat associé, cabinet Fidal
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