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Hausse des violences conjugales : comment agir ?

Les signalements de violences conjugales ont augmenté de plus de 30% en France depuis la mise en place du confinement dû à la crise du Covid-19. Face à ce constat, comment repérer les situations de violence en tant que RH ? Comment agir ? Le magazine de l’ANDRH fait le point avec Frédérique Martz, co-fondatrice et directrice générale de l’institut Women Safe & Children.
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>> Extrait en exclusivité du numéro de mai-juin 2020 de Personnel, la revue de l'ANDRH. Retrouvez les numéros de Personnel en ligne dans l'espace réservé aux abonnés.  

Quels sont les impacts des violences conjugales dans le monde du travail ?

Frédérique Martz : La violence de manière générale, et les violences conjugales en particulier, ont des impacts très concrets sur les victimes dans tous les aspects de leur vie. Le travail n’échappe donc pas à ces mécanismes. Les violences, qu’elles soient physiques et/ou psychologiques, impactent les capacités et comportements des victimes au travail (concentration, estime de soi…). 

Elles peuvent également être la cause de retards, d’absences répétées et de baisse de performance. Mal interprétés, ces signaux peuvent aboutir à des jugements erronés et des sanctions de la part de l’employeur. La question des violences conjugales a donc toute sa place dans les préoccupations des organisations de travail aujourd’hui. Le rôle de l’entreprise n’est bien sûr pas de s’immiscer à outrance dans la vie privée de ses salariés, mais de savoir détecter les signaux faibles et de prendre en compte les contextes personnels des salariés en cas de difficultés en lien avec le travail.

« Envoyez des signaux au collectif de travail et aux individus pour lesquels vous avez remarqué des changements d’attitudes. En parler, c’est déjà agir. »

Quels sont les signaux faibles pouvant indiquer une situation de violence conjugale ?

FM : De manière générale, les changements de comportements et d’apparence peuvent indiquer l’existence de violences dans le cadre familial et/ou conjugal (changements de tenues vestimentaires et d’apparence physique, perte de poids, retards, absences, repli sur soi…). D’autres éléments, tels que le versement du salaire directement sur le compte du conjoint peuvent également indiquer une situation d’emprise.

Comment se manifeste le cycle de la violence ?

FM : Le cycle de la violence se compose de quatre étapes :

  • 1 - Climat de tension (colère, menaces…)
  • 2 - Explosion de la violence (physique, psychologique, économique…)
  • 3 - Justification (excuses des comportements passés, déni…)
  • 4 - Lune de miel (« réconciliation », promesses...)

L’étape de la « lune de miel » est toujours passagère et aboutit, in fine, à une reproduction du cycle...

En tant que RH, comment s’engager sur le sujet ? 

FM : Les RH ont un rôle à jouer dans la prévention et la détection de situations de violence, en collaboration avec les acteurs de santé dans et en dehors de l’entreprise. Les responsables des ressources humaines ont deux outils à leur disposition pour agir : d’une part, faire exister le sujet et l’évoquer clairement dans leur organisation et d’autre part, poser les bonnes questions lors d’échanges formels et informels et ainsi indiquer que l’organisation sera un soutien. 

Évoquer le sujet peut être fait de manière simple, dans la communication de l’entreprise (intranet, newsletters, événement de sensibilisation….). De même, s’intéresser sincèrement aux raisons d’une importante perte de poids ou de retards répétés, en axant l’échange sur la santé (« J’ai remarqué tel changement, avez-vous des soucis de santé ? ») permet d’indiquer à la personne concernée que vous vous souciez de son bien-être et que vous pourrez être un soutien. 

Enfin, et de manière plus générale, des sensibilisations et formations existent en entreprise. Car repérer et comprendre le cycle de la violence est difficile lorsqu’on ne l’a pas vécu, et les témoins (collègues, supérieurs hiérarchiques…) ont aussi un rôle à jouer.

« La personne victime de violence doit toujours être proactive dans les démarches qui la concernent et donner son accord pour que l’entreprise agisse. »

La période de confinement voit le nombre de signalements augmenter. Comment répondre efficacement en tant que RH ?

FM : En cette période de confinement, il est essentiel de garder le lien avec les équipes et les salariés. Même en télétravail prolongé, il est possible de remarquer des baisses de performance, des difficultés à établir une communication etc. Pourquoi ne pas profiter d’une communication générale à destination des salariés sur la crise Covid-19 pour y inclure un encart sur l’augmentation des violences conjugales et intrafamiliales ? 

Les personnes concernées sauront voir ce signal d’ouverture. De même, à l’issue du confinement, des moments d’échange pour revenir sur cette période de crise pourront être l’occasion d’évoquer le sujet. En résumé : envoyez des signaux au collectif de travail et aux individus pour lesquels vous avez remarqué des changements d’attitudes. En parler, c’est déjà agir. 

Que faire quand j’ai la confirmation qu’une personne au sein de mon organisation est victime de violence conjugale ? 

FM : La personne victime de violence doit toujours être proactive dans les démarches qui la concernent et donner son accord pour que l’entreprise agisse. Qui que soit l’auteur des violences, le lien doit être rompu rapidement. Cela peut donc nécessiter un changement d’adresse e-mail et de numéro de téléphone professionnels, une vigilance accrue concernant les visites sur le lieu de travail etc. 

Ensuite, les responsables des ressources humaines doivent être en capacité d’orienter les personnes victimes de violence vers des acteurs capables de les accompagner dans leur globalité (logement, santé, soutien psychologique, prise en compte des enfants….) tels que l’institut Women Safe & Children. Enfin, il faut éviter les conseils contre-productifs ne prenant pas en compte l’état de la personne, telle que la pression à porter plainte si celle-ci n’est pas (encore) en état de le faire. 

« L’essentiel est de créer un niveau et un espace de confiance avec la personne victime de violence pour avancer ensemble sur sa situation. »

Lorsqu’une situation est avérée, faut-il en informer l’équipe et les supérieurs hiérarchiques ?

FM : La réponse à apporter dépend de chaque contexte individuel et du choix de la personne victime de partager sa situation, ou non. Les collègues et supérieurs hiérarchiques ne sont pas toujours bienveillants et ne connaissent pas forcément les mécanismes de la violence. 

Ils ne sauront donc peut-être pas réagir correctement. L’essentiel est donc de créer un niveau de confiance avec la personne victime de violence et de créer ensemble un espace pour avancer sur sa situation, en lien avec des acteurs en qui elle a confiance. 

Pour aller plus loin

  • L'institut Women Safe & Children
  • L'ouvrage « Elle pourrait être une sœur, une fille une nièce, une tante, une amie, une voisine, … », de Céline Pernot-Burlet et Mathilde Cristiani
Unsplash
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