Le nombre de femmes en emploi est passé de 6,8 en 1960 à 12.6 millions en 2017, rejoignant ainsi celui des hommes (13 et 13,5 millions à périodes équivalentes). Immanquablement, sur la seule base des statistiques, les femmes de nos entreprises peuvent être des victimes de violences. Chaque employeur a été, est ou sera en contact avec une femme victime de violences.
« Notre rôle en tant que DRH, et représentant de l’employeur responsable et socialement investi n’est-il pas de contribuer au dépistage de situations de violences ? »
La situation n’est pas très glorieuse au pays de Marianne ! Il faut dire que l’ampleur de la tâche a de quoi en effrayer plus d’une et d’un. En la matière et en tant que DRH, nous répondons aux obligations légales faites aux entreprises pour lesquelles nous travaillons mais est-ce bien suffisant ? Pouvons-nous dormir du sommeil du juste une fois le baromètre sur les inégalités mis en place ? Quel rôle est le nôtre face à l’ampleur de ce phénomène des violences faites aux femmes auquel nous sommes et seront forcément confrontés un jour dans notre carrière ? Continuerons-nous à nous abriter derrière la sacro-sainte excuse de « cela relève de la sphère privée » ?
Pourtant - et bien au-delà d’une volonté purement humaine et citoyenne déjà suffisante de mon point de vue - au travers de sa politique RH, l’entreprise a tout intérêt à se mobiliser pour le bien-être personnel et professionnel de ses équipes. Il est clairement établi maintenant que des « employés heureux sont 30% plus productifs, que leurs ventes sont supérieures de 37% et que leur créativité est multipliée par 3».
Notre rôle en tant que DRH, et représentant de l’employeur responsable et socialement investi n’est-il pas de contribuer au dépistage de situations de violences ? N’avons-nous pas, à travers les entretiens annuels, les entretiens de carrière, les entretiens et bilans divers, une multitude d’opportunités pour identifier, détecter et agir ?
Ne tient-il pas qu’à nous de demander à nos services de paie de vérifier que le salaire est bien versé sur un compte bancaire où figure bien le nom de Madame (la salariée) et pas exclusivement Monsieur ? Priver les femmes de leur revenu est en effet une façon de les rendre dépendantes et dans l’impossibilité économique de quitter le domicile. Ne tient-il pas qu’à nous d’éclairer nos KPI sur l’absentéisme d’une nouvelle lumière et de les lire avec un œil attentif ? Les femmes victimes de violences domestiques sont plus souvent hospitalisées, en arrêt maladie et peuvent avoir des retards récurrents…
« L’entreprise peut être un lieu où la victime s’extrait momentanément de l’emprise. Elle est donc un lieu favorisant la prise de conscience. »
Nous savons qu’une victime est souvent isolée par son bourreau, qu’elle ne s’exprime pas facilement, même au sein de sa famille. Pour autant, l’entreprise peut être un lieu où elle s’extrait momentanément de l’emprise. Elle est donc un lieu favorisant la prise de conscience, encore faut-il que ses collègues, employeurs, DRH… soient sensibilisés au cycle de la violence.
Qu’attendons-nous pour former les managers à écouter, détecter, afin qu’ils identifient une baisse de performance, un repli sur soi, lorsque l’attitude physique ou le comportement vestimentaire évolue ? Ou lorsque la salariée ne semble pas investie dans ses missions, malgré son potentiel ou se surinvestit pour ne pas rentrer chez elle ?
Une victime de violences ne paraît pas toujours cohérente, claire dans son besoin d’aide. Elle se retranche souvent derrière des raisons souvent énoncées comme une situation ponctuelle, momentanée (« il est fatigué ou énervé en ce moment »), voire des situations dont elle serait responsable (« c’est ma faute j’aurai dû faire plus attention »). Une écoute même courte, peut déclencher un sentiment d’être entendue, crue, et c’est le début d’une aide, la fin d’un isolement quelque fois mortifère.
Les relais et interlocuteurs classiques de l’entreprise sont les services de santé au travail. Pourtant il est vrai que nous pouvons nous sentir démuni dans certaines circonstances. Que faire ? A qui s’adresser ? Il existe des structures et des professionnels qui répondent à l’ensemble des besoins que nécessitent une prise en charge de victimes de violence.
En tant que DRH je fais appelle à l’Institut Women Safe, association créée en 2014, basée en région parisienne et dirigée par Frédérique Martz. Women Safe a réuni en un même lieu des professionnels de la santé (infirmière, médecin, psychologue), de la justice (avocat, juriste) et des thérapeutes (ostéopathe, masseur). La confiance, la confidentialité, la gratuité pour les victimes sont les principes fondamentaux de cette association. Ce type d’association est un véritable relais de confiance pour l’entreprise. En dehors de l’accueil des femmes, cet institut pluridisciplinaire a été choisi pour former les jeunes avocats de le Haute Ecole des Avocats Conseils et accompagne les universités. Notre entreprise investie dans une démarche RSE a fait appel à Women Safe pour une campagne de sensibilisation à destination de l’ensemble du personnel sur les violences faites aux femmes.