Céline Fabre : L’innovation sociale récompensée l’an dernier consiste à faire de l’aidance un axe explicite de recrutement. Concrètement, DomusVi propose de reconnaitre l’expérience de l’aidant comme expérience professionnelle à part entière.
En nous appuyant sur une disposition conventionnelle qui reconnaît aux professionnels ayant exercé dans une structure du secteur médico-social une reprise d’ancienneté qui vient bonifier leur salaire à l’embauche, nous avons décidé de transposer cette disposition aux aidants. Il s’agissait pour nous de traduire une double intention :
Nous avons complété ce dispositif innovant par l’apport de jours d’absence rémunérés supplémentaires. Là encore, il s’agissait pour nous de regarder les apports du socle conventionnel et d’y apporter des nouveaux droits spécifiques pour aux aidants. L’intention était double : faciliter la déclaration de la situation d’aidant, accompagner mieux en permettant des congés supplémentaires qui facilitent la disponibilité.
Ces deux nouvelles orientations prises en 2023 sont venues compléter le dispositif existant #PetitesEtGrandesAttentions, lequel proposait déjà des mesures plus classiques en faveur des aidants tels que :
CF : La volonté de faire de l’aidance un axe explicite de recrutement vise précisément à faciliter la détection des situations d’aidance en libérant la parole dès la phase de recrutement. Cela se fait naturellement avec le plein accord de la personne concernée. Nous n’oublions pas que cette question relève de l’intime aussi.
Nous ne cherchons à forcer personne. Simplement et modestement à envoyer un message clair : nous prendrons soin de vous comme vous prenez soin des autres.
Si vous nous voulez à vos côtés dans votre parcours de vie d’aidant, nous sommes là pour en parler et vous aider. Nous le faisons parce que à nos yeux, votre parcours d’aidant est aussi une richesse. Celle de votre expérience qui va de pair pour nous avec des compétences. Pour vous prouver nos intentions, nous vous proposons de reconnaître ces compétences lors de l’embauche en ajoutant à votre salaire de base un pourcentage d’ancienneté qui traduira la reconnaissance précisément de vos compétences.
Mais vous avez raison, avoir une juste photographie de l’aidant en entreprise est encore chose difficile. Nous-mêmes devons progresser dans cette connaissance et dans l’appropriation des dispositifs internes encore trop peu connus à mes yeux. Ce n’est d’ailleurs pas propre aux dispositifs dédiés aux aidants. Nous nous rendons compte que les dispositifs qui cherchent à prendre soin de nos professionnels, les professionnels eux-mêmes y ont peu recours. J’illustre ce propos par notre dernière mesure qui consiste à accorder deux demi-journées par an pour réaliser les examens de prévention des cancers du sein, du col de l’utérus et colorectal.
Une étude conduite par notre assurance santé a révélé que nos professionnels prenaient moins le temps que la moyenne des Français concernée de consulter et de réaliser les examens de prévention.
Le constat est malheureusement connu : les professionnels de santé pensent d’abord à accompagner l’autre, parfois en négligeant sa propre santé. Cette thématique rejoint celle des aidants qui aident souvent au détriment de leur propre santé. L’importance de ce sujet nous pousse à réfléchir et à proposer d’avantages encore de mesures.
Tout d’abord d’ici à la fin de l’année 2024, des actions plus précises pour sensibiliser les managers à l’importance de détecter et accompagner les aidants sont en cours de déploiement.
Il s’agit concrètement de :
Et pour 2025, nous aimerions traduire les mesures existantes dans le cadre d’un accord collectif afin de les « sanctuariser » en quelque sorte et les faire mieux connaître.
Nous aimerions aussi proposer à nos partenaires sociaux d’aller encore plus loin sur le sujet en transposant aux aidants des droits déjà négociés qui concernent les professionnels en situation de handicap (aide pour les démarches administratives, journée offerte pour la réalisation de ces démarches notamment) ou encore poser la question de la participation des salariés aidants dans certaines instances et discussions ou groupe de travail.
CF : Ma première sensibilisation s’est faite au travers d’études qui cherchaient à sensibiliser sur cette question des aidants. A l’époque, en 2010, il n’était vraiment pas évident de savoir quelle orientation prendre pour structurer une approche RH du sujet. Nos décisions, aussi pertinentes qu’elles puissent paraître en théorie, concernent les collectifs de travail qui les mettent en œuvre au quotidien.
Décider dans un bureau est facile. Faire connaître et déployer est autrement plus difficile. Et en particulier aussi dans nos métiers où la valeur ajoutée est la présence auprès des personnes âgées et donc où nous n’avons pas la possibilité d’offrir certaines formes souples d’organisation du travail comme le télétravail.
Une absence autorisée, même si elle peut apparaitre comme étant la base que nous nous devons d’accorder à une personne qui doit aider un proche, se traduit concrètement par l’absence d’une ou d’un collègue qu’il faut remplacer dans un secteur d’activité où, nous le savons, il est souvent déjà très difficile de recruter. Voilà pourquoi les choses prennent souvent du temps avant de se transformer en évidence, comprise, acceptée et portée par tous.
CF : Je ne détiens pas de baguette magique et nos actions parfois peinent aussi à se diffuser.
Modestement, je dirais de ne pas négliger la pédagogie. Il est important de convaincre. L’injonction ne fonctionne que rarement sur ces sujets. Les managers ont autant besoin d’être accompagnés que les salariés aidants. Et il faut être patient.