Congé de mobilité : objet de rupture juridique non identifiée ?
Mis à jour le 28/11/2024
L’ordonnance Macron n’a rien changé à l’esprit du congé de mobilité qui se définit comme une alternance de mesures d’accompagnement, d’actions de formation et/ou de périodes de travail, au terme de laquelle le contrat de travail du salarié est rompu.
À première vue, l’ordonnance ne fait qu’étendre le bénéfice du congé de mobilité, autrefois réservé aux entreprises d’au moins 1 000 salariés, à toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, sous réserve qu’elles aient conclu un accord collectif de GPEC ou un accord portant rupture conventionnelle collective.
Le congé de mobilité doit être prévu par accord collectif (remplissant donc la condition majoritaire), qui doit préciser :
- la durée du congé de mobilité (jusqu’à 12 mois en moyenne) ;
- les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;
- les modalités d’adhésion du salarié à la proposition de l’employeur ;
- l’organisation des périodes de travail, les conditions auxquelles il est mis fin au congé et les modalités d’accompagnement des actions de formation envisagées ;
- le niveau de rémunération versée pendant la période du congé ;
- les conditions d’information des institutions représentatives du personnel ;
- les indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement pour motif économique.
« Quelles que soient les conditions d’acceptation fixées par l’accord collectif, l’adhésion du salarié doit être libre puisqu’elle entraîne une rupture d’un commun accord du contrat de travail à l’issue du congé. »
Pendant le congé de mobilité, le salarié reste lié à son employeur par son contrat de travail, qui n’est en principe rompu qu’à l’issue du congé. Le montant de sa rémunération durant cette période doit être au moins égal à 65 % de la rémunération brute moyenne des 12 derniers mois, sans pouvoir être inférieure à 85 % du Smic (article L. 5123-2 du Code du travail).
Le congé mobilité c'est quoi ?
Fondamentalement lié à la notion de GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences) depuis sa création en 2006, le congé mobilité (également appelé "période de mobilité volontaire sécurisée") a pour vocation de favoriser le retour à un emploi stable au sein ou en dehors de son entreprise. Depuis ratification de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, il est régi par les articles L.1237-18 à L.1237-18-5 et D.1237-4 et suivants du Code du Travail.
Quelles que soient les conditions d’acceptation fixées par l’accord collectif (initiative conjointe ou exclusive, délais de réponse à la demande ou à la proposition…), l’adhésion du salarié doit nécessairement être libre puisqu’elle entraîne une rupture d’un commun accord du contrat de travail à l’issue du congé.
Ce faisant, le congé de mobilité rouvre un débat que l’on croyait soldé par la jurisprudence qui avait soumis la rupture amiable au régime juridique de la rupture conventionnelle, interdisant ainsi toute autre forme de rupture d’un commun accord…
Rien ne change donc et pourtant… tout change. En isolant le congé de mobilité dans une nouvelle section du Code du travail intitulée « Ruptures d’un commun accord dans le cadre d’accords collectifs portant rupture conventionnelle collective » dans un chapitre « Autres modes de rupture du CDI », la rupture prononcée à l’issue du congé de mobilité ne relève ni de la procédure de licenciements économiques collectifs ni de la procédure spécifiquement instituée dans le cadre de la rupture conventionnelle collective (calquée sur celle des plans de départs volontaires).
« Cet « objet de rupture juridique non identifiée » aurait-il fait peur par trop de flexibilité ? Le congé de mobilité n’offre-t-il pas une alternative intéressante aux grands enjeux de transformations ? »
Elle échappe ainsi totalement – à l’exception des salariés protégés – au contrôle de l’Inspection du travail et à la nécessité de justifier d’un motif… Doté de telles propriétés, le congé de mobilité aurait sans doute pu connaître un destin plus prometteur que celui de la rupture conventionnelle collective (RCC). Pourquoi, alors, ne pas avoir utilisé cet outil permettant de restructurer les organisations sans avoir à lancer une quelconque procédure de licenciements, même simplifiée (au travers de la RCC) ?
Cet « objet de rupture juridique non identifiée » aurait-il fait peur par trop de flexibilité ? Et pour tant, le congé de mobilité n’offre-t-il pas, au contraire, une alternative intéressante aux grands enjeux de transformations ? En proposant des formations plus exigeantes, et même qualifiantes, le congé de mobilité porte en lui la capacité d’assurer la transition entre l’ancien et le nouveau monde du travail. Car il est sans doute largement temps et, souhaitons-le, encore temps d’interroger nos modèles actuels de salariat et de gestion des ressources humaines…

Avocat à la cour